Le 15 juin 2022 - Projet de loi S-208, Loi concernant la Déclaration sur le rôle essentiel des artistes et de l'expression créatrice au Canada - Divers témoins
La sénatrice Poirier : Je ne pensais pas avoir de questions, mais je viens de recevoir une courte lettre dont j’aimerais citer certains passages. Permettez-moi tout d’abord de remercier les témoins de leur présence. Je vous en suis reconnaissante.
J’ai reçu cette lettre, mais vu le manque de temps, je ne pourrai pas vous la lire en entier. Je vais cependant en citer certains passages et demander à Simon Brault de nous donner son avis. La lettre provient de la Fédération culturelle canadienne-française, la FCCF.
D’entrée de jeu, il est essentiel de saluer l’ambition et les efforts déployés par la Sénatrice Bovey dans la rédaction et le dépôt du projet de loi S-208 [...]
Cependant, plusieurs éléments essentiels au soutien et au développement optimal du secteur des arts et de la culture semblent absents du projet de loi S-208.
À cet égard, la FCCF considère qu’une modification doit être apportée au préambule du projet de loi afin de rappeler expressément la nature des engagements internationaux du pays envers le secteur des arts et de la culture au pays. Le préambule du projet de loi C-81 pourrait être un excellent exemple sur lequel S-208 peut s’appuyer.
Enjeux et besoins particuliers des artistes et travailleurs culturels en francophonie canadienne et acadienne.
La déclaration a notamment pour intention d’inclure les spécificités culturelles individuelles et les origines de tous les Canadiens. Une telle approche est insuffisante pour tenir compte des communautés francophones en situation minoritaire dont les réalités et besoins spécifiques revêtent une dimension collective.
L’effritement ou l’érosion du secteur artistique et culturel en francophonie canadienne revêt un double enjeu : celui de la viabilité de ses organisations, mais également celui de la viabilité d’une collectivité qui vit sa culture en français. Des modifications doivent être apportées au projet de loi afin de reconnaître les enjeux spécifiques au développement culturel durable des communautés francophones en situation minoritaire. De manière spécifique par exemple, les communautés francophones en situation minoritaire (CFSM) doivent impérativement être nommées à l’article 2 du projet de loi S-208.
Monsieur Brault, j’aimerais savoir si vous êtes d’accord. Que pensez-vous? Comme je l’ai dit auparavant, il faudrait lire toute la lettre pour comprendre l’ensemble des revendications, mais j’aimerais néanmoins vous entendre.
M. Brault : Je connais évidemment la FCCF, et je suis d’accord sur le fait qu’il manque quelque chose actuellement. Voilà donc une belle entrée en matière pour discuter de façon générale du projet de loi.
Comme je l’ai dit auparavant, j’appuie la teneur du projet de loi, mais je suis préoccupé par le fait qu’il contient un préambule, une déclaration et un plan d’action. Le problème, c’est que pour faire le lien entre le préambule et la déclaration, bon nombre de gens diraient que le Canada aurait besoin d’une politique culturelle ou d’un cadre en la matière, ce que nous n’avons pas au Canada pour de nombreuses raisons historiques.
Afin de dresser un plan pour le développement culturel du pays, il faut avoir affaire à divers ordres de gouvernement et de nombreux ministères, et ce, même au sein du gouvernement fédéral, et tenir compte des diverses perspectives et réalités, notamment celles des communautés représentées par la FCCF et du Nord du Canada, entre autres.
Il sera très difficile de faire le lien direct entre l’intention générale du projet de loi et un plan d’action en raison de la réalité du système culturel du Canada. C’est la raison pour laquelle je pense que nous devons très bien comprendre ce qui existe au Canada. Nous n’avons pas de politique culturelle, mais nous avons divers mécanismes et institutions qui ont comme mandat de soutenir le cinéma, la télévision, les arts, l’architecture et la littérature. Toutes ces institutions ont des mandats précis et ne sont pas gouvernées par Patrimoine canadien, le ministère qui, selon le projet de loi, est censé présenter un plan.
Même si les principes, les intentions et les idées contenus dans le projet de loi sont très solides, généreux et pertinents, il faudra néanmoins consacrer beaucoup d’efforts afin d’atteindre l’objectif et de mettre ces idées en œuvre vu la situation particulière de notre pays.
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La sénatrice Poirier : Je remercie les témoins de s’être joints à nous.
[Français]
Ma question s’adresse à Mme Déry.
Une lettre de la Fédération culturelle canadienne-française dit ce qui suit :
Des modifications doivent être apportées au projet de loi afin de reconnaître les enjeux spécifiques au développement culturel durable des communautés francophones en situation minoritaire.
La FCCF fait également part de son inquiétude quant à la viabilité des organisations artistiques et culturelles dans la francophonie canadienne et quant à la viabilité d’une collectivité qui vit sa culture en français.
Êtes-vous d’accord avec la FCCF en ce qui concerne ces inquiétudes et pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?
Mme Déry : Merci de cette question.
Toutes les questions qui ont trait à la diversité et à l’inclusion, ainsi que toutes les situations problématiques sur lesquelles nous sommes nombreux à nous pencher aujourd’hui sont très nombreuses, mais pas suffisamment documentées lorsqu’il s’agit, par exemple, de la question francophone.
Je ne sais pas ce que la sénatrice Bovey dirait, puisqu’elle a œuvré pendant de nombreuses années dans le monde des musées, mais, selon mon expérience, nous avons perdu une forme de contact dans une conversation nationale.
J’ai souvenir de subventions qui existaient, par exemple, au sein d’un secrétariat d’État pour fournir une aide à la traduction, mais ces subventions n’existent plus. Il y a cette idée magique selon laquelle tout le monde au Canada a accès à des fonds d’aide à la traduction, ce qui n’est pas du tout le cas.
Je vais parler de ce que je connais. Je crois qu’il y a une rupture dans le domaine des arts visuels; il y a une perte de contact qui fait que l’on s’isole de plus en plus, partout au Canada, entre les cultures francophone et anglophone.
Je comprends tout à fait que de nouveaux groupes, qui veulent prendre part à la conversation nationale en raison de ces dimensions de diversité culturelle et d’inclusion des communautés autochtones, ont des attentes et des inquiétudes en vue de relever le défi d’un véritable partage de la culture à travers le Canada. Ce partage, à mon avis, n’est pas du tout au point.