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Le 13 juin 2022 - La teneur du projet de loi C-13, Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada - Divers témoins

La sénatrice Poirier : Merci aux témoins d’être parmi nous aujourd’hui.

Ma première question concerne le refus des trois ministères de communiquer des renseignements essentiels liés au projet de loi C-13. Leur refus rend notre travail moins efficace pour ce qui est d’examiner le projet de loi C-13, d’autant plus qu’un supplément de 16 millions de dollars a été alloué dans le budget de 2021, l’an dernier.

Selon votre expérience comme directeur parlementaire du budget, est-ce la première fois que les ministères refusent de donner de l’information?

M. Giroux : Merci de cette question, madame la sénatrice. Depuis que je suis entré en fonction, j’ai eu peu de cas où les ministères ont refusé de fournir de l’information et pas du tout de cas, jusqu’à cet incident malheureux, où les ministères ont refusé de fournir de l’information sous prétexte qu’elle n’était pas encore publique. On a demandé les renseignements et les trois ministères concernés ont refusé de nous les fournir sous prétexte que ceux-ci n’étaient pas encore rendus publics, alors que ce n’est pas une exception valide prévue à la loi. Cependant, je dois féliciter et remercier chaudement le commissaire aux langues officielles de son étroite collaboration, qui nous a permis d’en arriver à une estimation plausible et raisonnable des coûts.

Pour répondre rapidement à votre question, madame la sénatrice, depuis que je suis en poste, c’est la première fois que je fais face à un refus de trois institutions en même temps.

La sénatrice Poirier : Quelles raisons les ministères ont-ils invoquées pour refuser de fournir l’information?

M. Giroux : Les raisons données étaient que les renseignements n’étaient pas disponibles pour le public. Donc, plutôt que de donner les renseignements disponibles de façon confidentielle, comme la plupart des ministères et agences le font, les trois ministères concernés ont expliqué que les renseignements n’étaient pas du domaine public et que, pour cette raison, ils ne pouvaient pas nous les transmettre.

La sénatrice Poirier : À quel moment pourront-ils les transmettre?

M. Giroux : Le lendemain de la publication du rapport, on a reçu des détails de Patrimoine canadien, qui nous a fourni des renseignements en expliquant que c’était une erreur de pièce jointe dans un courriel qui aurait dû nous être transmis, mais qui ne nous avait pas été transmis. Il était malheureusement trop tard, puisque le rapport avait déjà été rédigé, préparé, traduit et publié, et qu’il avait été transmis au comité. Donc, c’est une fois que les ministères ont été exposés publiquement qu’ils ont transmis les renseignements.

La sénatrice Poirier : Dans votre rapport, vous expliquez que le gouvernement n’a pas prévu les dépenses que le projet de loi C-13 imposerait aux différents ministères. Selon vous, quel genre de problème cela occasionnera-t-il dans la mise en œuvre des changements prévus au projet de loi C-13? Y a-t-il un risque que les changements prennent plus de temps à être mis en œuvre?

M. Giroux : Il y a deux scénarios possibles. Il y a le scénario où le gouvernement ne fournirait pas des fonds permanents pour la mise en œuvre de la loi. Les ministères et agences concernés pourraient réduire les activités dans d’autres secteurs afin de financer les activités nécessaires en vertu du projet de loi C-13. Les ministères et agences pourraient aussi faire la mise en œuvre du projet de loi de façon très minimale, afin de ne pas réduire les autres activités qu’ils doivent entreprendre. Par exemple, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada est en train de faire plusieurs activités. La mise en œuvre du projet de loi C-13 pourrait être faite de façon très minimale ou encore, les ministères et agences pourraient allouer de nouveau des ressources d’une autre provenance ou prévues pour d’autres activités pour financer les activités au titre du projet de loi C-13.

La sénatrice Poirier : Merci.

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La sénatrice Poirier : Ma question fait suite à celle que le président a posée un peu plus tôt. Je veux m’assurer de bien comprendre. Le président vous a demandé si des consultations avaient été faites avec les différents groupes que vous avez mentionnés et quels étaient les résultats. Si j’ai bien compris, vous avez dit que, lors de certaines consultations avec quelques groupes, vous n’avez pas obtenu les renseignements, car ils n’avaient pas suffisamment d’information. Qui aurait cette information? Pourquoi rencontrer des groupes s’ils ne sont pas en mesure de nous donner les réponses? Comment feront-ils pour évaluer leur situation? Comment pourront-ils obtenir l’information nécessaire pour participer à une consultation afin que nous puissions avoir un portrait juste de leur situation?

M. Giroux : C’est un bon point, madame la sénatrice. Les deux analystes ont discuté avec des groupes de chambres de commerce, des associations de chambres de commerce et des représentants du secteur aérien. Cependant, le projet de loi tel qu’il est rédigé laisse beaucoup de latitude au gouvernement pour déterminer son champ d’application par voie réglementaire. Plusieurs régions où s’appliquera le projet de loi seront déterminées par voie réglementaire. Lorsqu’on a rencontré les groupes du secteur privé et qu’on leur a demandé une évaluation des coûts que cela allait engendrer pour eux, ils nous ont dit ne pas être en mesure de répondre, car ils ne savaient pas dans quelles zones ou dans quelles régions du pays s’appliquera le projet de loi, car cela sera déterminé à une étape ultérieure.

Qui peut nous renseigner? Ce sont les gens qui travaillent dans les ministères, notamment les ministres, s’ils connaissent l’intention qui se trouve derrière le projet de loi ayant trait aux régions qui seront couvertes. On n’en a pas une bonne idée actuellement. C’est la raison pour laquelle on a dû faire des hypothèses pour évaluer les coûts liés à la mise en œuvre du projet de loi C-13, parce qu’on n’a pas l’ensemble des paramètres.

La sénatrice Poirier : Aurait-il été préférable qu’on réponde à ces questions avant de déposer un projet de loi? Je ne veux pas dire qu’il faudrait attendre deux ans avant de présenter un projet de loi, mais cet exercice n’aurait-il pas dû être fait avant, pour savoir où l’on s’en va?

M. Giroux : Je ne suis pas un spécialiste des langues officielles. Pour vous, législateurs, c’est quelque chose que vous auriez avantage à préciser avant que vous vous prononciez sur l’application du projet de loi. Ce n’est malheureusement pas à moi à répondre à ces questions. Je n’ai aucune de ces réponses, mais vous soulevez un excellent point. Le gouvernement demande d’approuver ou non un projet de loi alors que vous ne connaissez pas certains détails importants sur le plan de sa mise en œuvre.

Le président : Est-il juste de dire qu’il y a une partie des réponses aux questions qui se trouvera dans la réglementation?

M. Giroux : C’est exact. C’est ce que je crois comprendre.

Le président : Cela fait souvent partie des enjeux que nous avons entre l’examen d’un projet de loi et la réglementation qui suit. Merci pour cette question, sénatrice Poirier.

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La sénatrice Poirier : Merci à vous deux d’être avec nous aujourd’hui.

J’ai quelques questions à poser. Ma première question porte sur la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. Elle donnera aux entreprises privées de compétence fédérale le choix de la compétence linguistique à laquelle elles sont soumises, c’est-à-dire provinciale ou fédérale. Dans votre mémoire, vous dites que cela crée un dangereux précédent.

Pourriez-vous nous en dire plus sur le dangereux précédent que la loi créerait? Est-ce que ce dangereux précédent serait limité aux communautés linguistiques minoritaires, ou est-ce qu’il serait plus étendu?

Mme Ludvig : Je peux répondre à cette question. Jusqu’à présent, la Charte de la langue française ne s’appliquait à aucune entreprise sous réglementation fédérale. C’était vraiment du domaine provincial. Maintenant, nous prenons des activités fédérales et nous permettons qu’elles soient soumises à une loi provinciale, et c’est sans précédent dans le domaine linguistique.

Mme Fraser : Puis-je ajouter quelque chose?

Mme Ludvig : Bien sûr.

La sénatrice Poirier : Je vous en prie.

Mme Fraser : La sénatrice Poirier a demandé si ce précédent ne touchait que des questions d’ordre linguistique.

La sénatrice Poirier : Ou des enjeux plus étendus.

Mme Fraser : Je ne suis pas avocate, mais je suis à peu près sûre que cela pourrait avoir des incidences plus vastes et que les conséquences pourraient dépasser les frontières du Québec, si un autre gouvernement provincial souhaitait mettre en place un régime où ses lois et règlements s’appliqueraient aux entreprises sous réglementation fédérale. Je pense qu’un gouvernement fédéral pourrait avoir de la difficulté à refuser une telle initiative provinciale, étant donné le précédent créé par ce projet de loi. La Charte de la langue française étant maintenant couverte par la « clause dérogatoire », vous pouvez voir se multiplier les incidences qui en découlent, je pense.

La sénatrice Poirier : La Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale prévoit également que, deux ans après son entrée en vigueur, les régions à forte présence francophone seront également soumises à cette loi. À votre avis, le gouvernement ne limite-t-il pas les droits linguistiques au contraire des francophones du Québec et de certaines régions à forte présence francophone? Et ces régions à forte présence francophone vont-elles correspondre à celles où la demande est importante conformément à la partie 4 de la loi?

Mme Ludvig : Ce sont de très bonnes questions auxquelles nous n’avons pas la réponse, mais cela ouvre la porte à toutes sortes de nouvelles limitations pour les communautés francophones ou évidemment, comme nous le disons, pour la communauté anglophone.

C’est là que vous commencez à avoir des difficultés, lorsque vous vous mettez à prendre de nouveaux règlements. Je pense que cela pourrait causer des difficultés. Il faudra voir comment cela se passe.

La sénatrice Poirier : Sénatrice Fraser, aviez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Fraser : Je ne crois pas.

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