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Le 20 juin 2022 - La teneur du projet de loi C-13, Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada - Divers témoins

La sénatrice Poirier : Merci d’être avec nous de nouveau, monsieur Théberge. C’est toujours un plaisir de vous revoir.

Ma première question porte sur la partie 2 du projet de loi C-13, la Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

Les témoins de la semaine dernière avaient des inquiétudes relativement à l’application de règlements, car il y a beaucoup d’incertitudes à cet égard. Ils disaient qu’ils ne savent pas à quoi s’attendre. Le directeur parlementaire du budget a également fait part de ses inquiétudes en ce qui concerne le manque d’information et de précisions, auxquelles on doit répondre par des règlements après l’adoption du projet de loi C-13.

Vous nous avez aussi fait part de vos inquiétudes à l’égard des définitions figurant dans la partie 2.

Selon vous, avec une loi d’une telle portée, est-ce qu’il serait préférable que le gouvernement retire la partie 2 du projet de loi C-13 et nous présente un autre projet de loi mieux défini?

M. Théberge : Merci, madame la sénatrice. Je pense que, avec notre mémoire, nous faisons une certaine contribution, à savoir comment on peut améliorer ce que j’appelle la « LUF », la Loi sur l’usage du français. Bien sûr, il y a beaucoup d’incertitudes à l’égard de ce projet de loi, car on ne définit pas très bien ce qu’est un consommateur, ce qu’est un employé, ce qu’est le seuil du nombre d’employés, que représente le concept de forte proportion francophone et ainsi de suite.

Je pense aussi que le projet de loi redéfinit quelque peu le concept des langues officielles et le concept de la dualité canadienne avec lequel nous sommes habitués de travailler depuis 50 ans. Cela dit, il est clair que nous devons trouver une façon de promouvoir l’usage du français à l’échelle nationale. Je pense que ce projet de loi mérite une sérieuse réflexion et qu’on devrait tenir compte non seulement de mes recommandations, mais aussi des recommandations d’autres intervenants.

La sénatrice Poirier : Me reste-t-il un peu de temps?

Le président : Oui, absolument. Il vous reste encore trois minutes.

La sénatrice Poirier : La Loi sur les langues officielles a pour but d’assurer le respect du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada, tandis que la Loi sur l’usage du français a pour objectif de défendre la langue française en excluant complètement l’anglais de son objectif et de sa protection.

Selon vous, quel est le risque d’omettre l’anglais dans cette loi?

M. Théberge : Lorsque je regarde le projet de loi C-13, il est clair que, dans la Loi sur les langues officielles, mon mandat est différent de mon mandat conformément à la Loi sur l’usage du français. Comme je l’ai dit plus tôt, la Loi sur l’usage du français représente un changement important dans l’approche qu’on utilise auprès des communautés de langue officielle en situation minoritaire. À titre de commissaire, je dois défendre l’usage des deux langues officielles et les deux communautés qui sont formées en fonction de ces deux langues officielles. Le projet de loi actuel fait qu’on accorde des droits à une communauté, et non à l’autre. Il faut toujours se rappeler que l’un des objectifs de la loi, c’est de promouvoir et d’encourager l’usage, la promotion et la pérennité du français.

La sénatrice Poirier : Il me reste un peu de temps. Je vais y aller rapidement.

Dans la forme actuelle du projet de loi, est-ce qu’un anglophone du Québec pourrait déposer une plainte auprès de votre bureau s’il croit que ses droits linguistiques au travail ne sont pas respectés? Dans l’affirmative, comment allez-vous traiter une telle plainte?

M. Théberge : Avec la façon dont le projet de loi est rédigé actuellement, je ne pense pas que nous ayons suffisamment d’information pour vous donner une réponse précise.

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La sénatrice Poirier : Ma question porte également sur la partie 2 du projet de loi C-13. Avec cette nouvelle loi, les entreprises privées de compétence fédérale peuvent choisir à quel régime linguistique elles vont souscrire. Selon vous, quel est le risque de donner ce choix aux entreprises? Enfin, pourquoi le gouvernement donne-t-il ce choix aux entreprises?

M. Théberge : Je ne peux pas dire pourquoi le gouvernement leur donne un tel choix, mais je pense qu’offrir un tel choix va certainement mener à de la confusion chez les consommateurs. Cela suppose qu’une entreprise pourrait décider de se souscrire à un régime linguistique au Québec et à un autre régime à l’extérieur du Québec. Ce n’est donc pas nécessairement clair pour le consommateur qui veut savoir quand des lois s’appliquent ou non. Il y aura donc de la confusion.

De plus, en ce qui a trait à la conformité, cela pourrait sans doute poser des difficultés. Il existe déjà un vide juridique à cet effet. Ce n’est pas au commissaire aux langues officielles de décider quel ordre de gouvernement ou qui a les compétences requises dans le domaine, car je ne suis pas un constitutionnaliste. Pour le consommateur, quand il fait affaire avec une entreprise, il faut qu’il sache clairement de quel régime elle relève pour être en mesure de faire respecter ses droits.

La sénatrice Poirier : Est-ce qu’il serait possible d’ouvrir la porte aux provinces pour leur offrir la même chose?

M. Théberge : C’est difficile de prédire ce que les autres provinces voudront faire. Je ne peux pas spéculer là-dessus; ce serait de la pure spéculation de ma part de suggérer une réponse.

La sénatrice Poirier : Merci.

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La sénatrice Poirier : Monsieur Phelan, avez-vous des commentaires à formuler?

M. Phelan : Oui. Si je comprends bien, comme les aéroports du Réseau national des aéroports sont déjà visés par la Loi sur les langues officielles, la partie 2 ne s’appliquerait pas. Compte tenu des divers modèles de gouvernance, la plupart des aéroports sont des entités municipales, et je ne crois donc pas que cette loi s’appliquerait. Mais j’en apprends toujours plus et je serais heureux qu’on me corrige si je me trompe.

[Français]

La sénatrice Poirier : Ai-je encore du temps, monsieur le président?

Le président : Oui, mais il y a un petit défi technique.

Merci, monsieur Rheault. Nous allons reprendre. Veuillez m’excuser, je ne sais plus où nous en étions.

La sénatrice Poirier : J’avais une question, monsieur le président.

Le président : Allez-y, sénatrice.

La sénatrice Poirier : J’avais d’autres questions, mais je ne sais pas si cela vaut la peine de les poser, si j’ai bien compris les réponses. Êtes-vous en train de me dire que vous n’avez aucune obligation conformément à la partie 2 du projet de loi C-13, que cela ne vous touche pas du tout? Ai-je bien compris cela?

M. Rheault : En fait, ce que nous avons expliqué, c’est que la partie 2 crée des obligations pour les entreprises qui, à l’heure actuelle, ne sont assujetties à aucune obligation linguistique. Pour ce qui est d’Air Canada et des aéroports, nous sommes déjà assujettis à la Loi sur les langues officielles. Alors non, la partie 2 ne vient pas changer cela. Les obligations qui s’appliquent à Air Canada figurent dans la loi actuelle, qui sera modifiée par le projet de loi C-13. Donc...

La sénatrice Poirier : Sur le plan de vos obligations actuelles en vertu de la Loi sur les langues officielles, il n’y a rien d’autre dans la partie 2 du projet de loi C-13 qui couvre cela, car vous êtes déjà couverts. Est-ce que je comprends bien?

M. Rheault : Tout à fait. Par exemple, je ne sais pas si on peut l’appeler la partie 1, mais la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada sera modifiée dans le sens où le commissaire aura davantage de pouvoirs, notamment celui d’émettre des sanctions pécuniaires, mais ce qui est prévu à la partie 2, c’est un nouveau régime linguistique pour les entreprises de compétence fédérale qui ne sont pas déjà couvertes par la loi actuelle.

On parle, par exemple, des autres transporteurs aériens, des télécommunications et des banques, mais les obligations d’Air Canada en vertu de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada sont déjà prévues dans le régime actuel. Les lieux où ces obligations s’appliquent sont déjà définis par règlement.

La sénatrice Poirier : J’étais seulement un peu surprise, parce que nous étudions la partie 2 alors qu’en réalité, cela ne vous touche pas du tout.

Le président : Si je peux me permettre de poser une question complémentaire pour éclairer la vôtre...

La sénatrice Poirier : S’il vous plaît.

Le président : La question est complémentaire. Cela voudrait dire, dans un cas d’espèce, qu’Air Canada est assujettie à la Loi sur les langues officielles et qu’une autre compagnie aérienne, par exemple, serait assujettie à la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.

Monsieur Rheault, est-ce qu’Air Canada est préoccupée par cette différence de régime pour des compagnies aériennes qui ont le même mandat, c’est-à-dire transporter des voyageurs au Canada?

M. Rheault : En fait, notre position publique, qui a été reprise dans le rapport du comité sénatorial sur la modernisation de la loi en 2019, est qu’il devrait y avoir une certaine uniformité dans les régimes applicables à l’ensemble de l’industrie. Il faudrait arrimer la définition de la demande importante qui sera applicable en vertu de la partie 2 à celle qui est applicable en vertu de la loi actuelle.

La sénatrice Poirier : Merci.

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