Le 5 décembre 2018 - Projet de loi S-252, Loi sur les dons de sang volontaires (Loi modifiant le Règlement sur le sang) - BloodWatch.org et Sénatrice Pamela Wallin, marraine du projet de loi

La sénatrice Poirier : Merci de votre présence, madame la sénatrice. On m’a fait part de préoccupations, parce que cette situation existe au Nouveau-Brunswick depuis un moment. Je suis certaine que bon nombre des préoccupations dont on m’a fait part rejoignent les vôtres ou celles qu’on vous a communiquées et qui ont mené au dépôt de ce projet de loi. Une des inquiétudes qu’on m’a confiées au Nouveau-Brunswick — encore une fois, même récemment, depuis que vous avez présenté le projet de loi, il y a des personnes de ma province qui m’en ont parlé — concerne les répercussions que cela aura sur notre système de dons volontaires.

Est-il trop tôt pour évaluer s’il y a une incidence? Disposons-nous de données statistiques pour affirmer que cela aura un effet sur le système de dons volontaires? Avez-vous des renseignements à cet égard, ou est-ce trop tôt?

La sénatrice Wallin : Je vous remercie, madame la sénatrice. Nous avons certains chiffres qui montrent que si ces centres privent le système de 300, 500 ou 1 000 personnes, il y aura de toute évidence des répercussions.

Je crois qu’un des documents que nous avons — Kat est plus au courant de cela, mais il s’agit d’un document qui a été obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information — contient une lettre qui a été envoyée au gouvernement de la Saskatchewan par les responsables de la Société canadienne du sang. Ils faisaient valoir qu’ils constataient déjà, dans leur base de donneurs volontaires, des variations chez les donneurs âgés de 17 à 24 ans, de la confusion et une mauvaise compréhension quant à la distinction entre les activités menées par l’entreprise Canadian Plasma Resources et celles menées par la Société canadienne du sang. Au Nouveau-Brunswick, on nous a relaté des situations où des personnes se sont présentées à un centre de la Société canadienne du sang, l’organisme public, et ont demandé : « Puis-je encore faire un don? Je suis venu la semaine dernière. » Rien dans les registres ne montrait qu’elles avaient fait un don, parce qu’elles étaient allées à un centre de la Canadian Plasma Resources. Vu que la distinction n’est pas claire, la différence n’est pas encore comprise.

Cette situation a aussi un effet, comme les responsables de la Société canadienne du sang le soulignaient dans leur tentative d’explication au gouvernement de la Saskatchewan. Cela entraîne des coûts additionnels pour l’organisme public vu qu’on doit faire des efforts de recrutement et des campagnes publicitaires pour demander aux gens d’agir en bons citoyens et de donner du sang, vu que c’est la jeune génération qui est ciblée.

La sénatrice Poirier : Savons-nous, madame la sénatrice, si le chiffre de 300 personnes par semaine qui vous a été donné représente des personnes qui faisaient des dons de façon volontaire auparavant et qui maintenant ne fréquentent plus le centre de l’organisme public? Ou bien s’agit-il de 300 personnes qui ont soudainement commencé à donner du sang parce qu’elles peuvent obtenir une rémunération? Y a-t-il un effet sur le système de dons volontaires? C’est ce que j’essaie de savoir.

La sénatrice Wallin : Je ne sais pas si nous pouvons affirmer cela d’entrée de jeu. Kat a plus de données à ce sujet.

Mme Lanteigne : Ce sont les responsables de la Société canadienne du sang qui sont en mesure de répondre à cette question. Ils surveillent la situation du mieux qu’ils le peuvent. Leur accès aux données est limité. Ils ont compté environ 20 personnes par semaine qui se présentaient et disaient qu’elles y étaient allées et avaient déjà donné du sang, donc c’est un nombre important. Il est difficile d’effectuer une surveillance en se fondant sur un seul centre. Ce qu’ils ont affirmé, et qui revient dans le document que nous avons obtenu ainsi que dans nos échanges avec eux, c’est que le même comportement se produit maintenant au Nouveau-Brunswick. Ils perdent des donneurs.

Il y a un livre qui figure actuellement sur la liste du New York Times qui porte sur le sang et le système d’approvisionnement en sang et dont l’auteure s’est rendue dans des centres de l’entreprise Canadian Plasma Resources. Ce livre contient un chapitre entier sur la situation au Canada. L’auteure a interrogé un grand nombre de donneurs dans un centre de Canadian Plasma Resources. Ils donnaient auparavant du sang à la SCS. C’est assez fréquent. S’il y a un centre de la Société canadienne du sang et que vous vous y rendez pour faire un don, mais que quelqu’un d’autre vous offre 50 ou 80 $, la prochaine fois que vous vous y rendrez, il sera plutôt facile de décider d’accepter l’argent, en particulier si vous êtes un étudiant. Par la suite, cette entreprise obtiendra 400 $ sur le marché international pour le sac de sang ainsi recueilli et en retirera un bénéfice.

La sénatrice Poirier : Merci. Je veux aborder un autre point pour quelques instants. Ensuite, s’il me reste du temps, je reviendrai sur ce sujet.

D’après ce que je comprends, certaines provinces ont interdit la rémunération des donneurs de sang, alors que dans d’autres provinces, c’est permis. C’est le cas au Nouveau-Brunswick. Si le projet de loi C-252 est adopté, quelle incidence cela aura-t-il sur les lois provinciales? Cette loi empiétera-t-elle sur les compétences provinciales?

La sénatrice Wallin : Il ne s’agit pas vraiment d’une question de compétence, si je ne m’abuse. Par exemple, Santé Canada délivre une licence à une entreprise pour ouvrir des installations. En Saskatchewan, il y a une particularité — je crois qu’il y a eu un malentendu en ce qui concerne...

Mme Lanteigne : Ils doivent obtenir en plus...

La sénatrice Wallin : Oui. Utilisez simplement le micro.

La sénatrice Poirier : La province ne doit-elle pas... Santé Canada donne l’autorisation aux provinces de...

La sénatrice Wallin : Mener des activités avec une licence, oui.

La sénatrice Poirier : Les provinces ne doivent-elles pas adopter des mesures législatives pour que ces activités puissent être menées sur leur territoire?

La sénatrice Wallin : Elles ne sont pas tenues de le faire. C’était l’inverse, ce qui explique pourquoi ces autres provinces ont décidé d’agir. Cette entreprise a pu ouvrir ses portes et s’installer dans des villes comme Toronto, et partout ailleurs. Le gouvernement provincial de l’époque devait réagir, parce que les licences étaient délivrées par Ottawa, afin d’être en mesure de refuser qu’une telle entreprise mène des activités dans la province. C’est la situation inverse.

La sénatrice Poirier : Très bien. Si le projet de loi était adopté, alors les provinces n’auraient pas à se prononcer. Est-ce exact?

La sénatrice Wallin : La licence ne serait pas délivrée parce que cela relève du fédéral.

La sénatrice Poirier : Les entreprises qui existent actuellement perdraient-elles leur licence?

La sénatrice Wallin : On n’en délivrerait pas de nouvelles. Je ne sais pas s’il y aurait une clause grand-père, je ne sais pas quelle approche serait adoptée. Quoi qu’il en soit, nous souhaiterions qu’elles ferment, de toute évidence. Même en ce moment, il faudrait un moratoire sur l’octroi... je crois qu’il y a environ 18 demandes de licence dans le système actuellement.

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