Le 16 juin 2022 - La teneur du projet de loi C-13, Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada - Divers témoins

La sénatrice Poirier : Merci aux témoins d’être avec nous ce soir.

Ma première question porte sur une observation contenue dans le mémoire que vous avez soumis au comité. Vous en avez également parlé dans votre présentation. Je cite : « Le projet de loi prévoit une procédure de plainte des employés ouverte et confuse. »

Vous estimez que la procédure de plainte devrait être définie de manière plus stricte. Selon vous, que serait une procédure de plainte adéquate et sans confusion? Auriez-vous un amendement à proposer à cet effet?

M. Vaillancourt : Effectivement, on pourrait vous proposer un amendement. Un des exemples que l’on peut vous donner a trait aux pouvoirs du commissaire, qui peut procéder à une enquête. À un certain moment, la loi indique qu’il peut renvoyer cette plainte au Conseil canadien des relations industrielles. On ne dit pas dans quel délai ni de quelle façon. En temps normal, lorsqu’une plainte est déposée au Conseil canadien des relations industrielles, le Code canadien du travail prévoit déjà un mécanisme de délai strict à respecter.

Si l’on donne trop de latitude au commissaire, dans quelle mesure et dans quel délai ces plaintes pourront-elles être déposées au conseil? C’est uniquement dans un souci d’uniformité et d’application des différentes lois. Donc, une proposition qui pourrait être faite serait de déterminer quelle serait la nature des délais lorsque le commissaire décide de mettre fin à son enquête et de la référer à un autre organisme administratif, comme le conseil.

La sénatrice Poirier : Ma deuxième question porte sur le règlement qui devrait être adopté à la suite de l’adoption du projet de loi C-13. Le règlement devrait notamment définir le concept important du seuil d’employés pour les entreprises assujetties à la loi pour une région à forte présence francophone. Selon vous, quel devrait être le nombre minimum d’employés au sein d’une entreprise, et est-ce que le gouvernement devrait avoir une définition large d’une région à forte présence francophone?

M. Vaillancourt : Je pense que la définition devrait avoir une portée libérale. Est-ce que cela implique une définition trop large? Je suis de ceux qui croient qu’on doit être le plus précis possible. Je crois que chaque région peut avoir une portée différente, et c’est la même chose pour le nombre d’employés dans chaque entreprise. Je crois que la nature des activités de l’entreprise sera un facteur déterminant dans le nombre d’employés qu’elle devra compter et qui devront parler français.

Par exemple, on parle du nombre de clients anglophones par rapport aux francophones et du taux de la population francophone par rapport à la population totale de la région. Je pense que ces critères pourraient déterminer le nombre d’employés par entreprise. Je pense que chaque entreprise pourrait avoir un nombre différent d’employés. C’est pourquoi il est important d’insister sur le processus de consultation et d’impliquer les employeurs. En effet, selon qu’un employeur se trouve dans une région à prédominance francophone ou non, certains employeurs pourront dire qu’ils sont désavantagés par rapport à d’autres employeurs qui se trouvent à l’extérieur d’une zone à prédominance francophone, qui n’ont pas à assumer les coûts qui doivent être engagés pour respecter la nouvelle législation.

La sénatrice Poirier : Avez-vous été consultés par le gouvernement auparavant pour le projet de loi C-32?

M. Vaillancourt : Pour le projet de loi C-32, on n’a pas expressément fait partie du processus, mais je peux laisser la parole à Derrick Hynes, qui a été plus impliqué à ce niveau.

[Traduction]

Derrick Hynes, président et chef de la direction, ETCOF : Un groupe d’experts a été mis sur pied pour effectuer une analyse avant le dépôt du projet de loi C-32, le prédécesseur du projet de loi C-13. Quelques consultations ont été entreprises à ce moment-là.

Pour revenir à votre question, qui est à mon avis l’origine de ceci, nous estimons qu’il s’agit de l’une des forces fondamentales de ce projet de loi, le processus de consultation qui répondra à bon nombre de ces questions. Nous sommes heureux qu’il ait lieu après l’adoption du projet de loi, afin que nous puissions tenir une conversation pleinement informée avec tous les intervenants au sujet de certaines de ces définitions et de la façon dont ce projet de loi sera mis en œuvre, en particulier dans les régions autres que le Québec. À ce stade, nous ne savons pas quelles devraient être ces définitions, mais nous souhaitons participer pleinement à cette consultation.

La sénatrice Poirier : Merci.

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La sénatrice Poirier : Merci aux deux témoins d’être avec nous ce soir.

Ma première question porte sur le document que vous avez envoyé concernant la partie 2 du projet de loi C-13, la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.

Le modèle que vous avez proposé concerne les entreprises privées fédérales à l’extérieur du Québec. Pouvez-vous m’expliquer comment vous en êtes venus à ce modèle et pourquoi il est préférable à celui qui est proposé par le gouvernement?

Mme Roy : Merci de cette question, madame la sénatrice Poirier.

Comme vous l’avez vu, c’est une approche par étape qui fera progresser le français dans l’ensemble des provinces et des territoires du pays. Ce que l’on préconise, c’est un modèle qui s’applique partout; on souhaite que les deux langues soient traitées équitablement et qu’il y ait un arrimage avec ce qui se fait déjà dans les ministères fédéraux.

On trouvait que c’était plus simple que de commencer un nouveau système dans d’autres régions.

Pour nous, ce modèle est issu d’une mûre réflexion; on voulait essayer justement de trouver un modèle qui répond aux besoins de l’ensemble de nos communautés dans toutes les régions du pays.

Cela ne veut pas dire que ce modèle s’applique partout, en tout temps. Comme je l’ai dit dans mon texte, il peut y avoir des endroits désignés. Par exemple, si on prend une banque quelconque, on pourrait avoir une succursale à Vancouver désignée bilingue où l’on pourrait se faire servir et travailler en français. Il y a une manière d’accommoder l’ensemble de la population dans nos différentes communautés et dans les provinces et territoires.

La sénatrice Poirier : Avez-vous des amendements pour appuyer votre modèle dans le projet de loi C-13? Selon vous, serait-il préférable de simplement retirer la partie 2 du projet de loi C-13, comme vous le suggérez?

Mme Roy : Nos amendements touchent la partie 1 du projet de loi C-13. On a proposé des libellés pour six amendements dans la partie 1 du projet de loi C-13. On ne propose pas d’amendement spécifique à la partie 2.

Mon collègue M. Dupuis veut peut-être ajouter des commentaires à cette réponse.

Alain Dupuis, directeur général, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada : La limite que l’on voit par rapport à la partie 2 du projet de loi, c’est cette idée de forte présence francophone et la manière dont on va définir ce concept.

Il est clair que la définition viendra après des consultations et qu’elle figurera dans un règlement d’application.

Peut-être que c’est à vous, honorables sénateurs, de déterminer si une modification au libellé est nécessaire; est-ce qu’une forte présence francophone permet de tenir compte des besoins de la francophonie dans la grande région de Toronto, où il y a 100 000 francophones qui ont le français comme première langue? Est‑ce que c’est une région à forte présence francophone? À notre avis, ce serait suffisant pour justifier qu’il y ait, dans certaines entreprises, des succursales ou des bureaux désignés bilingues pour offrir des services et pour que les francophones qui travaillent dans une entreprise puissent travailler dans leur langue. Pour nous, cela ne nécessite peut-être pas une modification au projet de loi tel quel, ou peut-être devrait-on donner une meilleure définition de ce que l’on veut dire par « forte présence francophone ».

Une chose est certaine : lorsqu’on a comparu devant le comité d’experts qui devait donner des informations à la ministre Joly sur la première version du projet de loi, on a souligné qu’il y avait énormément d’inquiétudes sur le fait qu’on allait créer une série de droits pour certains francophones qui habitent déjà dans des régions à prédominance francophone et qu’il n’y aurait pas de progression du français dans les entreprises fédérales ailleurs au pays. Cela dépendra vraiment de la façon dont on définira cette forte présence francophone. On pense que cette définition devrait se baser sur le même type de définition et le même type de catégorisation que pour les services français au sein des ministères fédéraux.

Par exemple, il y a un règlement dans la partie IV qui s’applique aux services au public qui stipule que, à partir de 2023, un bureau fédéral devra être désigné bilingue s’il y a une école située à moins de 25 kilomètres de ce bureau du gouvernement fédéral.

Donc, ce bureau devra offrir des services en français. On pense que c’est une désignation qui a du sens et qui se base sur l’endroit où habitent les populations. Cela ne veut pas nécessairement dire que, dans une grande ville comme Vancouver, comme le disait Mme Roy, on devra s’assurer que tous les bureaux d’une entreprise fédérale offrent des services en français ou permettent aux employés de travailler dans leur langue. Il y a sûrement suffisamment de francophones à Vancouver pour justifier une offre de services et accommoder des travailleurs qui voudraient travailler dans leur langue.

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La sénatrice Poirier : Ma question porte sur l’un des amendements proposés, qui est d’avoir le Conseil du Trésor comme agence centrale de l’application la loi. Comme vous, je suis d’opinion que le Conseil du Trésor doit être l’agence centrale d’application de la loi.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur la raison pour laquelle le Conseil du Trésor devrait être l’agence centrale pour l’application de la Loi sur les langues officielles? Et selon vous, est-ce que la réussite du projet de loi C-13 dépend grandement du fait d’avoir le Conseil du Trésor comme agence centrale pour l’application des changements contenus dans le projet de loi?

Mme Roy : Je vous remercie de la question, car c’est très important pour nous. Pour ce qui est de la mise en œuvre de la loi, nous avons suggéré le Conseil du Trésor, parce qu’il en gère déjà certaines parties. Nous recommandons qu’il soit responsable de l’ensemble de la mise en œuvre de la loi, de toute la loi.

Cela ferait en sorte que nous aurions véritablement une agence centrale pour la mise en œuvre, la coordination et la reddition de comptes par rapport à la loi. Pour nous, c’est effectivement un aspect très important du projet de loi C-13.

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