Le 1er février 2018 - S-238 Loi interdisant l'importation de nageoires de requin - Divers témoins

La sénatrice Poirier : Merci d’être ici. J’ai deux ou trois questions.

Selon vous, y a-t-il une tendance mondiale vers l’interdiction du commerce des nageoires, ou observe-t-on une résistance dans certains pays ou certaines parties du monde?

Mme Bouffard : C’est une bonne question. Les rapports que nous avons fournis démontrent, du moins de notre point de vue, qu’il existe une tendance vers l’accroissement des mesures de gestion visant à empêcher une telle activité en mer. Donc, nous voyons une nette amélioration, comme je l’ai mentionné, entre le rapport de 2012 et celui de 2016.

On constate également que de nombreux citoyens et sociétés tentent d’inciter leur gouvernement respectif à adopter plus de mesures, mais aucun pays n’a interdit complètement le commerce.

J’ai quelques hypothèses pour essayer d’expliquer pourquoi ils ne le font pas, et je me demande si ce ne serait pas lié à des questions de concurrence.

En ce qui concerne le commerce des produits du requin à l’échelle mondiale, il existe des pêcheries de requin légitimes qui produisent des produits tout à fait légitimes. La chair de requin est vendue dans de nombreux marchés. Le Canada importe de tels produits de pays comme l’Espagne et les États-Unis, pays qui ont mis en place les mesures et les procédures nécessaires pour surveiller les activités en mer.

Je sais que Brian pourrait vous donner des exemples des discussions qui ont lieu dans diverses régions à l’échelle internationale pour régler le problème de l’enlèvement des nageoires de requin. On constate parmi les pays une détermination et une volonté croissantes pour enrayer ce problème en mer, mais selon moi, cela ne se traduit pas par l’adoption de mesures commerciales.

M. Lester : J’ajouterais à cela que les organisations régionales de gestion des pêches ont commencé à abandonner les règles visant à interdire l’enlèvement des nageoires en mer ou à limiter la proportion de nageoires à un maximum de 5 p. 100 pour se tourner vers la nouvelle mesure sur les nageoires attachées à la carcasse adoptée par l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest en 2016. Cette mesure a aussi été proposée à la réunion de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique en 2017. Elle n’a pas été adoptée, malheureusement, malgré l’appui de quelque 40 pays.

Nous convenons tous que la meilleure façon d’éviter l’enlèvement des ailerons de requins en mer est de veiller à ce qu’ils soient débarqués intacts, avec leurs ailerons. C’est la mesure proposée par le Canada. Cette mesure sera obligatoire dans toutes nos pêcheries à compter du mois de mars de cette année.

La sénatrice Poirier : Les mesures de lutte contre l’amputation des nageoires ont été introduites graduellement dans diverses administrations au fil des ans, mais la pratique se poursuit dans plusieurs parties du monde. Selon vous, pourquoi l’amputation des nageoires est-elle toujours une pratique répandue malgré les efforts déployés à l’échelle mondiale pour la limiter?

De plus, j’ai lu récemment que la Chine et le Japon s’opposent à la politique exigeant que les requins pêchés soient débarqués intacts, avec leurs ailerons. Selon vous, pourquoi le Japon et la Chine s’opposent-ils à cette politique?

M. Lester : Je ne crois pas que nous sachions pourquoi ils s’y opposent. Vous avez raison sur un point: dans les forums internationaux auxquels ils ont participé avec nous, ce sont les deux pays qui se sont opposés à nos propositions visant à exiger que les requins pêchés soient débarqués intacts, avec leurs ailerons.

La sénatrice Poirier : Ils ne donnent pas d’explications?

M. Lester : Habituellement, non; ils s’y opposent, tout simplement. Malheureusement, il y a eu deux votes contre à la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique. Voilà pourquoi la recommandation n’a pas été acceptée. La CICTA est un organisme qui fonctionne par consensus.

La sénatrice Poirier : Ceci est ma dernière question: est-il probable qu’un autre pays conteste l’interdiction visant l’importation de nageoires de requin par le Canada?

Mme Bouffard : Comme je l’ai mentionné plus tôt, cela dépend de la façon dont la mesure commerciale serait conçue. Comme je l’ai indiqué, nous en sommes maintenant à évaluer les mesures qui pourraient être prises pour atténuer ces risques.

Je ne peux vous répondre sans équivoque par oui ou non. Cela peut varier, particulièrement en fonction de la question de savoir si la mesure est pertinente et comprend des dispositions comparables pour le commerce intérieur. Il s’agit d’un élément très important.

En ce qui a trait à votre question précédente, je vais faire référence au rapport de la FAO de 2012 sur le Japon et la Chine. Le Japon est l’une des principales nations qui offrent des données sur la pêche du requin. Ces lettres que vous voyez dans la colonne des ORGP représentent toutes les organisations régionales de pêche en haute mer. La pêche au requin se pratique en haute mer, mais aussi dans les zones côtières des États.

Pour ce qui est de la pêche en haute mer, bon nombre des organisations ont adopté des mesures de gestion de l’amputation des nageoires de requin, comme celles dont Brian vient de parler, et le Japon en fait partie. Donc, le Japon est tenu de respecter les mesures prises par ces organisations comme l’OPANO pour la pêche en haute mer.

La sénatrice Poirier : Merci.

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