Le 7 mai 2019 - Projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence - Divers témoins

La sénatrice Poirier : Encore une fois, merci à vous tous d’être ici.

Ma première question s’adresse à Manitoba Hydro. Monsieur Swanson, dans votre exposé, vous dites que la disposition relative au débit d’eau pourrait entraîner une augmentation des coûts — de l’ordre de 3 milliards de dollars — pour les clients de Manitoba Hydro en raison des pertes générées et des besoins en nouvelles infrastructures.

Quel est le besoin en nouvelles infrastructures dont vous parlez? Pourriez-vous élaborer un peu?

M. Swanson : Je vais d’abord préciser les choses et dire que je ne suis pas un planificateur des ressources du point de vue de la planification de l’électricité, mais c’est essentiellement une infrastructure thermale. Si vous ne pouvez pas gérer la demande dans l’immédiat, il doit y avoir autre chose pour répondre à cette demande. Comme il a été mentionné, une ressource émettrice de gaz à effet de serre serait nécessaire pour soutenir la souplesse opérationnelle perdue à la suite d’une disposition relative aux débits écologiques. C’est un exemple de disposition relative aux débits écologiques qui pourrait faire l’objet de discussions, être mise en œuvre ou imposée.

La sénatrice Poirier : Dans votre mémoire, vous avez commenté les prétendues protections perdues découlant des modifications apportées en 2012 à la Loi sur les pêches et leur surestimation. Pourriez-vous élaborer plus concrètement à ce sujet?

M. Swanson : Avant l’amendement de 2012, le mot « activité » avait été ajouté à l’interdiction, ce qui est significatif. Il ne s’agit plus d’une interdiction d’altérer et de détruire l’habitat du poisson pour des ouvrages et des entreprises; cela englobe également des activités.

Du point de vue des services publics, cela a des conséquences sur notre fonctionnement. Cela introduit dans la loi un éventail plus large d’évaluations et de considérations. Manitoba Hydro ne s’y oppose pas; nous préférerions simplement obtenir la clarté en ce qui concerne ces questions et problèmes entourant les effets sur la population de poissons et la pêche plutôt qu’une application presque arbitraire de ces éléments sur tous les débits. Je pense que c’est ce qui préoccupe l’industrie : l’interprétation extrême selon laquelle tout débit est un habitat du poisson et devrait donc être protégé, ce qui est toujours une interprétation possible avec le libellé actuel.

La sénatrice Poirier : Merci.

Ma prochaine question s’adresse à l’Association canadienne des propriétaires forestiers. Moi non plus, je n’essaierai pas de prononcer votre nom de famille, car je vais mal le dire. Mes excuses.

Dans votre mémoire au comité, vous avez proposé quelques priorités à l’attention du comité. En première place, vous indiquez dialoguer avec les propriétaires forestiers. Voulez-vous élaborer? Le gouvernement ne vous a-t-il pas consultés du tout à ce sujet?

M. Iannidinardo : Le gouvernement n’a pas encore tenu de séance officielle avec l’Association canadienne des propriétaires forestiers ou avec nos partenaires, la Fédération canadienne des propriétaires de boisés. Nous avons soumis de l’information au comité et souhaiterions poursuivre les consultations.

La sénatrice Poirier : Les deux autres témoins ont-ils été consultés? Avez-vous participé à des consultations avec le gouvernement avant que le projet de loi ne soit présenté dans sa forme actuelle?

M. Swanson : Oui, principalement par l’intermédiaire d’associations de l’industrie.

M. Buy : Je ne qualifierais pas un appel — et éventuellement un rappel après deux mois de retard — de consultation. La réponse serait non.

La sénatrice Poirier : Merci.

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La sénatrice Poirier : Nous avons déjà discuté de bon nombre des sujets que je voulais aborder. J’aimerais insister sur deux ou trois choses. Monsieur Ginnish, dans votre exposé, vous avez dit que les pêches des Micmacs ne sont pas reconnues dans la nouvelle définition. Encore une fois, pratiquement tous les témoins d’aujourd’hui nous ont dit qu’il n’y avait eu absolument aucune consultation à propos de la nouvelle définition du projet de loi C-68. C’est aussi ce que les représentants de divers groupes nous ont dit au cours des séances précédentes.

Aussi, monsieur Maud, voici ce que vous avez dit dans votre exposé : « Nous nous attendons non seulement à ce que la loi sur les pêches proposée — le projet de loi C-68 — assure la protection pour aujourd’hui, mais aussi à ce qu’elle dure pour de nombreuses générations à venir. » De la façon dont vous le dites, je suis portée à croire que vous doutez que cela se fasse.

Vous avez d’autres préoccupations... À la page 3, vous dites : « Nous demandons au ministère d’indiquer en quoi cette évaluation est erronée. » Mais il semble que vous n’avez toujours pas obtenu de réponse.

Dans un autre paragraphe, vous dites : « Toutefois, nos droits inhérents doivent être respectés ». Vous ajoutez que l’obligation de tenir des consultations doit respecter tout cela.

Mon collègue, le sénateur McInnis, a évoqué votre patience, et il est vrai que vous en avez énormément. Je veux que vous sachiez que nous vous avons bien entendu. Vous avez malgré tout mentionné, dans votre exposé, que le projet de loi est positif dans l’ensemble, qu’il représentait une amélioration et que nous ne devrions pas retarder son adoption.

Même si mes commentaires ne constituent pas vraiment une question, j’aimerais demander à chacun de vous de formuler une réponse, si vous le voulez bien. Même si nous voulons que le projet de loi soit adopté, j’ai l’impression, à la lumière des témoignages, que vous êtes déçus du manque de consultations. Il y a aussi des préoccupations touchant le manque de reconnaissance des pêches autochtones, dans le projet de loi. Est-ce que j’ai bien compris?

M. Maud : Oui, madame la sénatrice. Comme je l’ai dit, j’ai pris connaissance de ces modifications il y a deux ou trois mois seulement. Je n’ai pas eu l’occasion d’en discuter avec la collectivité. Il y a neuf Premières Nations du Traité 2. Il faut que ce soit traduit en ojibwé. L’ojibwé est la langue maternelle dans la plupart de nos neuf Premières Nations. Je ne le parle pas couramment, je l’ai oublié quand j’étais au pensionnat. Je suis un survivant. Je ne peux pas rentrer chez moi et entreprendre une traduction.

Voilà pourquoi je crois que, par rapport à l’obligation de consulter, il faut des interprètes... Même s’il y a des mots qui ne peuvent pas être traduits de l’ojibwé à l’anglais et vice versa. Prenez par exemple le verbe « surrender ». On ne peut pas traduire ce verbe en ojibwé. La seule acception qui existe pour ce verbe, en ojibwé, c’est abandonner une guerre, c’est-à-dire quand une des deux parties abandonne. Beaucoup de mots ont plus d’un sens. Même le mot « shall ». Essayez de l’expliquer à nos aînés, et ils vont peut-être vous donner deux ou trois réponses différentes en ojibwé. C’est la vérité.

En ce qui concerne la patience, nous avons été très patients. C’est l’une de nos vertus. Notre peuple doit être consulté, et il doit être informé dans sa langue. Comme je l’ai dit, faites participer nos aînés. Ils veulent participer. Quand je serai de retour dans ma collectivité, je vais devoir, bien sûr, trouver quelqu’un pour faire la traduction dans notre langue. Oui, nous devons être consultés. L’obligation de consulter est d’une importance cruciale. Elle est cruciale, si nous voulons aller de l’avant.

La sénatrice Poirier : Merci.

M. Ginnish : J’aimerais ajouter quelque chose. L’obligation de consulter, par rapport à nos droits ancestraux et issus de traités, ne se compare pas aux consultations que le gouvernement peut mener auprès des intervenants. La consultation est une obligation prévue par la loi, et la loi prévoit également que la consultation doit être constructive. Ce n’est pas toujours le cas. En l’occurrence, nous sommes d’avis que la consultation était limitée. Nous avons pu envoyer deux ou trois mémoires, mais nous n’avons jamais vraiment eu la chance d’examiner la question sous toutes ses coutures, de discuter des points importants pour nous et de faire des propositions sur ce qui devrait être inclus.

On nous disait que le temps pressait, qu’il n’y avait pas assez de fonds, qu’il est difficile de rassembler tout le monde, qu’il est difficile de déployer autant d’efforts. De notre point de vue, quand ce sont nos droits qui sont concernés ou touchés, cela doit se faire. Il faut que les choses se fassent, et à cette échelle-là. Voilà pourquoi nous saisissons toutes les occasions qui se présentent, comme celle-ci, pour insister vraiment là-dessus, parce que nous n’avons pas toujours l’occasion de dire au gouvernement — à cet ordre de gouvernement — ce que nous vivons concrètement ni de lui parler des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Même lorsque nous rencontrons les représentants des gouvernements provinciaux à propos de questions qui relèvent de leur compétence... Il y a tellement d’obstacles à surmonter et tellement de discussions auxquelles nous voulons prendre part.

Au Nouveau-Brunswick, nous menons des négociations axées sur nos droits. L’une de ces négociations concerne la pêche, et c’est l’une des plus compliquées. Même si nous pouvons compter régulièrement sur des négociateurs dévoués, dans le cadre de ces discussions, nous avons toujours de la difficulté à faire avancer les choses.

M. Paul : L’APN n’est pas une organisation de défense des droits. Nous ne participons pas aux consultations, et nous ne sommes pas titulaires de droits. Je veux mettre l’accent sur le fait que tout ce processus a commencé en 2016. Il semble que les Premières Nations sont déçues des efforts de consultation; la plupart des dossiers ont l’air d’être axés sur les droits prévus à l’article 35, c’est-à-dire les droits ancestraux et issus de traités. On a l’impression que ces droits ne sont ni respectés ni protégés. J’espère que l’on pourra ajouter des dispositions à ce sujet ou renforcer la conformité avec la déclaration des Nations Unies. Dans l’ensemble, cette initiative du gouvernement fédéral actuelle est, dans les faits, un effort de réparation, en réaction à ce qu’a fait le gouvernement fédéral précédent, qui ne menait aucune consultation et adoptait des projets de loi omnibus pour sabrer dans les mesures de protection de l’environnement et des habitats du poisson.

Nous sommes conscients de l’engagement sans précédent qui a été pris dans ce dossier. En ce qui concerne la consultation, ce sont nos titulaires de droits qui détermineront dans quelle mesure ils doivent participer. Essentiellement, l’important est de veiller à ce que les droits prévus à l’article 35 de la Loi constitutionnelle soient protégés.

La sénatrice Poirier : Merci.

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