Le 30 avril 2019 - Projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence - Divers témoins

La sénatrice Poirier : Merci à tous d’être venus. Ma question s’adresse à ATCO. En ce qui concerne l’hydroélectricité au Canada, selon vous, quelle pourrait être l’incidence du projet de loi C-68 sur l’aménagement hydroélectrique à l’avenir? De plus, quelles sont, à votre avis, les conséquences imprévues du projet de loi C-68 pour vous?

M. Kiefer : C’est une excellente question. Nous étudions l’hydroélectricité depuis les années 1980, personnellement et en tant que société. C’est l’un des premiers projets que j’ai entrepris lorsque je me suis joint à l’entreprise.

C’est une proposition difficile dans une province qui, si vous voulez, n’a pas la chance de disposer du type de ressources en eau dont dispose le Québec, le Manitoba ou la Colombie-Britannique. Néanmoins, l’Alberta dispose de plusieurs voies navigables sur lesquelles l’énergie hydroélectrique aurait un sens économique dans le contexte actuel.

L’effet du projet de loi C-68 sur notre évaluation serait que nous ne proposerions pas d’aménagement hydroélectrique en vertu de cette loi aujourd’hui. La raison en est le manque de clarté sur les trois problèmes que je vous ai exposés et qui, à mon sens, ne permettent pas d’obtenir l’avantage économique lié à la perturbation du débit d’une voie navigable, comme le fait chaque projet hydroélectrique.

Je pense que le projet de loi C-68 aurait pour effet le retrait de l’analyse et des propositions relatives à l’élaboration de nouveaux projets hydroélectriques. En fait, aujourd’hui, les responsables des installations hydroélectriques existantes sont déjà mis au défi de tenter de comprendre ce qu’ils doivent faire en vertu de la loi proposée pour le renouvellement de leur licence. Nous avons un exemple en Saskatchewan : une centrale hydroélectrique a été construite dans les années 1950 et ne peut obtenir le renouvellement de sa licence pour le moment en raison de l’incertitude liée à la nouvelle loi. Ce serait notre principale préoccupation, à savoir que la portée et l’application de cette loi créeraient un degré d’incertitude, de telle sorte que des entreprises retireraient les propositions d’investissement relatives à l’hydroélectricité.

La sénatrice Poirier : À votre avis, diriez-vous que le Canada applique déjà des normes élevées en matière de processus de réglementation pour les produits hydroélectriques?

M. Kiefer : Non. J’appuierais de nombreux aspects du projet de loi C-68, outre les trois problèmes que nous avons mentionnés comme étant des lacunes importantes, puisqu’ils constituent une amélioration par rapport à la situation actuelle.

Nous ne vous demandons pas de considérer le projet de loi comme une n’apportant pas d’améliorations. Je pense que c’est une amélioration à bien des égards, mais il y a trois points critiques à corriger.

La sénatrice Poirier : Si je comprends bien, la principale préoccupation tient à l’ajout de la disposition relative au débit d’eau dans le projet de loi et rendrait effectivement impossible pour vous l’achèvement de nouveaux projets futurs ou entraînerait des problèmes à cet égard?

M. Kiefer : Je dirais qu’il s’agit vraiment des trois éléments : le débit d’eau, les répercussions sur les poissons individuels et les populations de poissons et le manque de considération des avantages économiques associés à un projet sur une voie navigable. C’est la combinaison de ces trois éléments qui freinerait les investissements, dans notre esprit.

La sénatrice Poirier : Avez-vous discuté de ces préoccupations avec le MPO et le ministère provincial des Pêches des dispositions relatives au débit d’eau dans le projet de loi C-68? Vous ont-il donné une interprétation de la disposition et vous ont-ils laissé entendre qu’ils seraient disposés à modifier le projet de loi C-68 et à supprimer cette partie?

M. Kiefer : Nous avons eu de longues discussions avec le ministère de l’Environnement et du Changement climatique et le ministère des Pêches et des Océans. Je pense qu’ils sont conscients des conséquences d’une partie du libellé de la loi. Ils ne m’ont pas donné l’assurance que, si nous reformulions le texte de la manière que nous leur avons proposée, ce serait acceptable pour eux, mais je pense qu’ils sont sensibles aux problèmes que nous soulevons. C’est la plus grande assurance que je puisse obtenir de leur part.

M. McDonald : Pour enchaîner là-dessus, nous avons également collaboré avec le ministère. Peu après l’ajout de la nouvelle disposition, nous avons adressé une lettre au ministre et avons obtenu une réponse : les représentants étaient au courant des préoccupations associées à cette disposition, et le Sénat allait manifestement l’étudier; et, si elle était maintenue, il serait possible de l’aborder dans le règlement.

Lors de tous ces examens, nous avons dit que le fait de traiter des questions liées à la législation dans le cadre du règlement n’est pas une pratique adéquate. S’il y a un problème dans le projet de loi, il est préférable de le résoudre au lieu d’essayer de le faire plus tard par voie de règlement.

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La sénatrice Poirier : Merci à vous tous d’être ici ce soir.

Ma première question s’adresse à l’Association minière du Canada. En tout temps, si les témoins qui comparaissent par vidéoconférence souhaitent intervenir, n’hésitez pas à le faire.

En 2017, les sociétés minières ont contribué à hauteur de 97 milliards de dollars au PIB du Canada. Croyez-vous que le projet de loi C-68 aura une incidence sur le développement de projets miniers futurs qui contribueront au PIB?

Mme Laurie-Lean : Je ne pourrais pas prédire exactement pour vous quelle sera cette incidence. Cela dépend de la qualité du travail que vous faites dans le cadre de l’examen du projet de loi et de la qualité du travail que le gouvernement fait pour le mettre en œuvre. C’est l’accumulation de tous les changements réglementaires qui présentera un défi. Même des changements bien intentionnés, des changements pour le mieux, peuvent créer de l’incertitude. Si les changements ne sont pas pour le mieux, même si les gens perçoivent le processus décisionnel comme étant de plus en plus plombé, cela va détériorer davantage la situation.

Les investissements dans notre secteur ont accusé une baisse. Au début, on s’est dit que cela tenait au cycle des produits, quand la baisse a eu lieu au début de la décennie. Puis, le prix des produits a rebondi. Nous avons vu une reprise importante dans d’autres pays producteurs de minéraux, mais nous n’avons pas vu la même chose ici, au Canada. Nous sommes en train de perdre notre compétitivité relative. Cela ne tient pas à une seule chose ou à un seul gouvernement. C’est l’ensemble de ces choses qui a créé cette atmosphère où le Canada n’est plus aussi compétitif que d’autres administrations.

S’il est adopté tel quel, le projet de loi contribuerait probablement à une détérioration supplémentaire. Si ces amendements essentiels visant à assurer la faisabilité sont adoptés, et que le ministère les met réellement en œuvre comme prévu, avec un fardeau administratif graduel proportionnel au niveau de risque dans l’ordre du raisonnable, alors je crois que l’incidence serait neutre pour notre secteur du point de vue de la compétitivité.

Mme Schwann : Je souscris aux propos de Mme Laurie-Lean. Nous avons subi environ 10 ans d’examens réglementaires portant sur quelques lois et règlements importants. Cela a un effet cumulatif sur le fait de savoir si les investisseurs investiront au Canada ou chercheront à investir ailleurs. C’est l’incertitude et les délais qui sont critiques. Il y a eu beaucoup d’incertitude quant à la façon dont nous pouvons faire avancer des projets au Canada et en Saskatchewan également.

La sénatrice Poirier : Par rapport aux projets désignés, il semble que cette nouvelle disposition soit plus technique, mais qu’elle apporte aussi un fardeau inutile, si j’ai bien compris. Pourriez-vous nous donner un exemple concret d’un projet approuvé avant l’introduction du projet de loi C-68 et ce à quoi il ressemblerait avec la nouvelle disposition après l’entrée en vigueur du projet de loi? Y a-t-il quelqu’un qui pourrait nous donner un exemple?

Mme Laurie-Lean : Un certain nombre de projets sont allés de l’avant. Dans le cas de la Loi sur les pêches, cela ne s’applique pas seulement à de nouveaux grands projets. C’est le travail continu d’installations où on doit créer un nouvel ouvrage de franchissement de cours d’eau ou élargir l’installation. Un exemple récent a suscité beaucoup d’inquiétudes pour nous; un projet minier devait détourner une partie de route pour assurer la sécurité. On a demandé aux promoteurs du projet d’obtenir l’approbation au titre de la Loi sur les pêches pour déplacer la route, parce qu’ils déplaçaient les fossés de drainage.

La sénatrice Poirier : En quoi cela serait-il différent après l’adoption du projet de loi C-68?

Mme Laurie-Lean : En vertu du projet de loi C-68, avec les dispositions relatives aux projets désignés telles qu’elles sont rédigées actuellement, nous ne savons pas si un projet minier pourrait aller de l’avant s’il s’agissait d’un projet désigné. Nous ne sommes pas certains que les activités existantes pourraient continuer. Nous ne saurions pas si le fait de changer un rouleau de papier de toilette dans la salle de bain de l’entreprise serait considéré comme une activité comprise dans le projet. Cela veut-il dire que l’on doit obtenir un permis? Le MPO nous a dit qu’un avocat constitutionnel qui examinerait les rubriques de compétence constitutionnelle déterminerait que le changement du papier de toilette ou le fait d’installer un drapeau en haut d’un mât n’aurait pas d’incidence sur l’habitat du poisson; par conséquent, cela ne relèverait pas de la Loi sur les pêches.

Nos membres n’emploient pas d’avocats constitutionnels au Nunavut. Ils ne sont juste pas très faciles à trouver, et je ne peux pas imaginer devoir prendre cette décision chaque fois. C’est juste ainsi que c’est rédigé; il est difficile d’imaginer comment cela pourrait fonctionner.

La sénatrice Poirier : Merci. Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Balicki : Je crois que nous sommes d’accord avec les exemples qui ont été fournis. Un autre exemple qui me vient à l’esprit serait un ponceau associé à un nouveau projet d’envergure. Par exemple, selon le vieux système, si vous aviez exploité une mine et qu’il y avait des routes ou des ponts connexes, la réparation ou l’entretien du pont lui-même n’exigerait pas nécessairement l’obtention d’un permis. En vertu du projet de loi C-68, si ce pont était associé à votre mine et que des travaux d’entretien devaient être effectués, il est possible que le promoteur doive obtenir un permis pour réaliser des travaux qui n’ont pas d’incidence sur le poisson ou son habitat. Je crois que cela alourdit le fardeau administratif, tant du côté du promoteur que du ministère.

La sénatrice Poirier : Merci.

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La sénatrice Poirier : Merci à vous deux d’être là. Au début d’avril, le ministre des Pêches et des Océans, lorsqu’il a comparu devant le comité, a dit qu’une des intentions du projet de loi C-68 était d’assurer une importante participation autochtone. Depuis, le comité a reçu des mémoires et des témoignages de groupes autochtones, et certains sont d’accord — et d’autres non — avec cette déclaration. Selon vous, est-ce que la Loi sur les pêches, modifiée par le projet de loi C-68, permettrait d’assurer une importante participation autochtone?

M. Paul : Pas avec le libellé actuel. Le droit n’est toujours pas appliqué. Ce qui a été mis en place jusqu’à présent, c’est un processus provisoire. En fait, les processus provisoires du gouvernement ne sont pas vraiment provisoires. J’ai l’impression que le gouvernement a interprété la décision de la Cour de la façon la plus étroite possible.

Je vais vous donner un exemple. Pêches et Océans a reçu comme premier mandat du gouvernement... Je ne suis pas sûr, mais je crois que c’était environ 10 ans après la décision. Il y a donc finalement eu un mandat. Je suis dans la salle et j’entends tout ça. La personne qui représente le MPO dit qu’elle a finalement le mandat d’appliquer nos droits, mais elle ajoute qu’il ne peut pas y avoir de nouvel accès. Par conséquent, les responsables vont appliquer nos droits sans qu’on puisse pêcher, et nous sommes censés accepter ça. C’est tellement flagrant.

À l’époque, la même personne que celle à qui je parlais et qui représentait le MPO a eu un autre mandat lorsque le gouvernement a changé; c’est venu s’ajouter au précédent. Maintenant, nous allons parler d’accès.

La sénatrice Poirier : Donc, si j’ai bien compris, l’intention du ministre, lorsqu’il a dit que le projet de loi C-68 allait être d’assurer une importante participation des Autochtones... Eh bien, le projet de loi C-68 ne fait rien de bon pour vous. C’est exact?

M. Paul : Eh bien, ça ne donne pas suite à la décision de la Cour suprême selon laquelle nous avons un droit issu de traités de pêcher à des fins de subsistance. Ce n’est pas ce qui fait l’objet des discussions aux plus hauts niveaux. Je suis désolé, mais c’est ainsi que je vois les choses en raison de mon expérience au fil des ans. J’ai été chef pendant 35 ans, et la bureaucratie qui est là a une certaine façon de penser qui ne nous inclut pas. C’est tout à fait nouveau pour la bureaucratie. La bureaucratie n’était pas prête pour une telle décision. Je le dis, parce que c’est ce que m’ont dit les fonctionnaires en tant que tel.

La sénatrice Poirier : Ils ne sont pas prêts depuis 20 ans, et je ne sais pas combien de temps il leur faudra pour être prêts à l’avenir.

M. Paul : Je crois que c’est un peu une dynamique de « nous contre eux ». C’est comme si nous allions causer du tort à l’économie du pays, alors que, en fait, à la lumière de mon expérience et de mon travail, nous participons positivement à l’économie. Il y a des études qui le prouvent.

Je suis membre du Conseil national de développement économique des Autochtones. Nous avons certaines données repères dans un certain nombre de domaines. Ce que ces études nous disent, au bout du compte, c’est que les Autochtones au pays contribuent de façon positive plutôt que négative. Nous ne coûtons rien au gouvernement en fait. Nous redonnons plus que nous en obtenons du gouvernement.

J’ai l’impression que l’état d’esprit n’est pas le bon. Pour une raison ou pour une autre, tout ce qu’on offre aux Autochtones c’est peut-être une case qu’on peut cocher une fois qu’ils ont été consultés. On n’a pas eu d’accord. Ils n’ont pas aimé ce qui s’est produit. Ils ne sont pas d’accord avec tout ça, mais on peut tout de même cocher la case parce qu’on les a consultés, mais la consultation est censée être significative.

La sénatrice Poirier : Merci.

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