Le 3 juin 2020 - Étude sur la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19
La sénatrice Poirier : Ma question s’adresse à la représentante de l’Association des psychiatres du Canada. Nous avons souvent entendu l’expression « pandémie subséquente » pour décrire l’augmentation éventuelle du nombre de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. À votre avis, est-ce une possibilité réelle? Si oui, le gouvernement fédéral a‑t‑il mis en place les services et les fonds nécessaires pour répondre à une éventuelle pandémie subséquente?
Dre Zahirney : Merci de la question. Nous disposons de quelques données préliminaires obtenues à la suite de catastrophes précédentes, mais la base de données probantes sur de véritables épidémies telles que celle-ci est un peu moins importante.
Je n’utiliserais pas l’expression « pandémie subséquente ». Ce qui nous préoccupe, ce sont les besoins accrus en matière de santé mentale après la pandémie, ou lorsque la vie normale reprendra et que les gens recommenceront en quelque sorte à se réintégrer à la société.
Il y a une distinction à faire entre les niveaux accrus de détresse et les symptômes dépressifs ou anxieux, puisque nous savons que la majorité de la population ne souffrira pas plus de dépression ou de troubles anxieux.
Nous devons surveiller les intervenants en santé mentale ou ceux qui sont exposés à certains des pires événements traumatisants de la pandémie au Canada, car ils pourraient souffrir par la suite d’un trouble de stress post-traumatique. En ce moment, ce qui est le plus préoccupant est certainement qu’il peut y avoir une augmentation des troubles liés à la consommation d’une substance. Le problème est bien documenté. Les taux croissants de violence entre conjoints et possiblement de maltraitance d’enfants sont également bien documentés et ont été observés dans d’autres pays.
Nous nous efforçons de tenir compte des besoins des personnes en détresse aiguë — une réaction normale à des situations totalement anormales — et de cerner les populations les plus vulnérables qui risquent le plus de voir leurs problèmes de santé mentale réapparaître ou s’aggraver considérablement.
La sénatrice Poirier : Je vous remercie. Ma deuxième question s’adresse à la représentante du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Dans le cadre de votre récent sondage, vous avez indiqué que près du quart des répondants ont déclaré avoir consommé de l’alcool de manière excessive au moins une fois au cours de la dernière semaine, et que ceux qui s’inquiètent beaucoup des conséquences de la COVID-19 sur leurs finances personnelles étaient particulièrement susceptibles de boire de manière excessive.
Quelles mesures le gouvernement a-t-il prises pour réduire l’abus de substances et la consommation excessive d’alcool pendant la pandémie et surtout après la pandémie?
Dre Stergiopoulos : Je n’ai pas entendu parler de mesures particulières ayant été prises pour remédier à l’augmentation de la consommation de substances durant la pandémie. Toutefois, le gouvernement de l’Ontario a mis en place des centres de soutien en santé mentale pour la population en général ainsi que pour les personnes à risque élevé, notamment les travailleurs de première ligne, les personnes touchées par la COVID et les fournisseurs de soins non seulement dans les hôpitaux, mais aussi dans les établissements de soins de longue durée qui peuvent être les plus à risque.
Je ne sais pas si des gouvernements provinciaux ont pris des mesures précises pour lutter contre les problèmes de dépendance.
La sénatrice Poirier : Au sujet de ma première question qui s’adressait à la représentante de l’Association des psychiatres du Canada, je sais que vous avez expliqué ce qui devait être fait. Pendant la pandémie, le gouvernement fédéral a-t-il mis en place les services et les fonds nécessaires pour répondre à la pandémie subséquente?
Dre Zahirney : Nous nous réjouissons évidemment de certaines des annonces faites au début et des autres plus récentes concernant le soutien du revenu, car la perte de revenu peut être un facteur de risque pour l’apparition de symptômes de dépression ou d’anxiété. Plus récemment, l’augmentation des investissements pour aider les Autochtones et lutter contre la violence entre conjoints au sein de cette population sont les [Difficultés techniques] dont je suis au courant.
J’ai également constaté une grande mobilisation de la part de nombreuses ONG, comme la Commission de la santé mentale du Canada, qui fournissent ce genre de ressources pour réduire la détresse mentale et donner aux gens davantage de mécanismes d’adaptation pour faire face à la situation, car tout le monde est confronté au stress lié à la pandémie. Ces investissements sont utiles, mais ils ne permettent pas de répondre aux besoins chroniques en services du système de santé canadien. Ces besoins sont encore à combler.
La sénatrice Poirier : Merci.
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La sénatrice Poirier : Ma première question s’adresse à Jeunesse, J’écoute. Le gouvernement du Canada a annoncé une aide de 7,5 millions de dollars pour soutenir Jeunesse, J’écoute, et dans votre présentation, vous avez dit que cette aide s’étendait sur 21 mois, pendant la période d’augmentation des demandes. Avez-vous commencé à recevoir le financement promis par le gouvernement? Et pourquoi s’échelonne-t-il sur 21 mois?
Mme Hay : Merci de la question, sénatrice. Jeunesse, J’écoute est très reconnaissante du soutien du gouvernement. Nous avons commencé à recevoir le financement. Nous travaillons avec l’Agence de santé publique du Canada à ce sujet.
Selon nous, les effets de la COVID-19 ne seront pas terminés à la rentrée scolaire de septembre ni même à la même époque l’an prochain. Lors de notre discussion avec l’Agence de santé publique, nous avons demandé de quelle façon nous pouvions utiliser ce financement de manière à assurer notre viabilité pendant la période où nous faisons face à l’augmentation des volumes. En fait, nous ne prévoyons pas que nos volumes vont diminuer. Nous avons réparti le financement sur une certaine période pour assurer notre pérennité.
La sénatrice Poirier : Je vous remercie. Comment les crédits que vous avez commencé à recevoir vous ont-ils aidé pendant la pandémie?
Mme Hay : Je vous remercie de cette question, sénatrice. Comme toutes les organisations caritatives au Canada, notre modèle de financement est une combinaison de soutiens essentiellement philanthropiques, de soutiens d’entreprises canadiennes, de collectes de fonds dans diverses communautés à travers le pays et de soutiens gouvernementaux. À Jeunesse, J’écoute, un maximum d’environ 40 % de notre budget total est constitué de soutiens gouvernementaux, et surtout de soutiens provinciaux, en fait.
Le fait est que lorsque la pandémie a frappé et a fait sentir ses effets sur l’économie canadienne, nos recettes allaient diminuer. C’est ce qui ressort des discussions que nous avons eues avec le Cabinet du premier ministre et l’Agence de santé publique du Canada. Des événements tels que l’événement national Faites un pas pour les jeunes représentent un apport budgétaire annuel de 4 millions de dollars. Nous avons donc constaté une baisse des recettes, mais aussi une augmentation anticipée de la demande de services.
Nous soutenons notre service régulier et nos conseillers professionnels, qui sont environ 120 au Canada. Nous les avons fait travailler à distance pour pouvoir en engager d’autres. En outre, nous devons élargir notre programme d’envoi de textos. Ce qui est extraordinaire, c’est que nos intervenants en cas de crise sont des bénévoles formés qui utilisent déjà une technologie dynamique, donc évolutive. Nous avons pu, grâce à ce financement, élargir la portée du service, engager des conseillers compétents, ainsi qu’un nombre suffisant d’entraîneurs et de formateurs qui forment davantage de Canadiens à intervenir en cas de crise et nous concentrer, grâce à cette capacité accrue, sur les populations mal desservies.
La sénatrice Poirier : Je vous remercie. Madame Hay, lors d’une récente interview à une émission de la CBC, il a été rapporté que Jeunesse, J’écoute avait élargi son soutien aux adultes, ce qui en dit long sur la pénurie de services en santé mentale, surtout pendant cette période.
Vous avez étendu votre service par texto pour les adultes et les travailleurs de première ligne. À votre avis, le gouvernement fédéral a-t-il investi dans l’aide directe aux services de santé mentale pour les adultes et les travailleurs de première ligne, ce qui vous permet de vous concentrer pleinement sur les jeunes et les enfants pendant la COVID-19?
Mme Hay : Je vous remercie de cette question, sénatrice. C’est une question très importante.
Tout d’abord, je tiens à signaler au comité qu’avant la COVID, 10 % à 15 % environ des appels à la Ligne de messagerie texte pour les situations de crise, alimentée par Jeunesse, J’écoute, venaient d’adultes âgés de 30, 40 et 50 ans, car à 2 heures du matin au Canada, il n’existe pas de service national d’intervention en cas de crise autre que Jeunesse, J’écoute. Notre service d’orientation professionnelle reçoit souvent des adultes qui nous disent : « Je sais que c’est un service pour les enfants » — et sans vouloir être alarmiste —, ils nous font des déclarations du genre : « J’ai l’impression que ma vie ne vaut rien et que je ne vois pas d’autre solution que le suicide ». En fin de compte, nous les aidons.
Voilà un aperçu de la situation avant la COVID-19. Nous disposons de la technologie offerte par la Ligne de messagerie texte pour les situations de crise, notre plateforme de textos, que nous pouvons utiliser à des échelles diverses. Notre formation ne vise pas spécifiquement les jeunes, bien que nous ayons des modules réservés aux jeunes Autochtones. Nous avons la technologie, nous avons l’infrastructure et nous savions que nous pouvions étendre cette formation. C’était le bon moment pour le faire.
S’agissant du financement du gouvernement, nous avons en fait élargi la Ligne de messagerie texte pour les situations de crise tous âges dans le cadre d’Espace mieux-être Canada, qui est un nouveau portail pour la santé mentale et la toxicomanie financé par le gouvernement fédéral à la suite de la COVID-19. Nous sommes l’un des partenaires et l’une des solutions de santé mentale en ligne de ce portail. Le financement a été accordé à Jeunesse, J’écoute par l’intermédiaire de ce portail pour lancer la Ligne de messagerie texte pour les situations de crise tous âges, sans avoir à puiser dans le budget de Jeunesse, J’écoute.
Je voudrais faire une remarque pour soutenir ma collègue, la Dre Emily Gruenwoldt. Les soins virtuels sont un complément important des services de santé mentale. Lorsque Jeunesse, J’écoute a lancé la Ligne de messagerie texte pour les situations de crise, en 2019, nous avons traité plus de 200 000 conversations par texto dans chaque province et territoire, avec des temps d’attente de moins de cinq minutes. La ligne dispose d’un réseau neuronal, ainsi que de l’apprentissage par machine à intelligence artificielle, de sorte que si une personne est en situation de crise, elle est servie dans les 40 secondes. Ce n’est pas le principe du premier arrivé, premier servi qui est utilisé. On fait appel à la sensibilité du système. Nous avons géré l’ensemble de ce service au Canada pour environ 3,5 millions de dollars. C’est un retour sur investissement incroyable pour le Canada.
La sénatrice Poirier : Merci beaucoup.